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TERRE D’ÉBÈNE

discipline, et, dominé par la splendeur criminelle de la forêt, j’allai. De temps en temps, mes esclaves faisaient : « Hi ! Hi ! » hennissant comme s’ils avaient été des chevaux s’encourageant entre eux dans une montée !

J’arrivai au sentier de fer.

La glaise était une terre anthropométrique ; on n’y voyait que des empreintes de doigts de pied. Là, trois cents nègres des « Batignolles » frappaient des rochers à coups de marteau. C’était la grande hurle. Des capitas transmettaient des ordres idiots avec fureur, commandant à la fois d’attaquer et de s’immobiliser, de monter et de descendre, le tout scandé des ordinaires : « Allez ! Saras, allez ! » Les contremaîtres blancs étaient des Piémontais, des Toscans, des Calabrais, des Russes, des Polonais, des Portugais. Ce n’était plus le Congo-Océan, mais le Congo-Babel. Les capitas et les miliciens tapaient sur les Saras à tour de bras. Et les Saras, comme par réflexes, tapaient alors sur les rochers !

— Saras ! Saras ! Allez ! Allez ! Saras ! Saras !

Les Saras me regardaient avec des yeux de chiens souffrants comme si je leur apportais de l’huile pour adoucir les brûlures de leur dos !

— Saras ! Saras !

Le cri m’accompagna un certain temps, puis la forêt étouffa tout.