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TERRE D’ÉBÈNE

Un milicien comptait : « Oune ! doé ! toâ ! » et, pris soudain d’un accès d’hystérie, possédé par le démon de la sottise, il courait sur cette pile qu’il voulait qu’on soulevât et cinglait les pauvres dos courbés. Les dos ne bronchaient pas.

— Hellé ! Hellé ! Hi ! Ah ! Ah ! Ria ! Ria ! Pousso ! Pousso !

L’arbre ne faisait pas un mètre.

Le milicien tapait plus fort.

Subitement, sans doute pour venir au secours de ses frères, un des Saras se détacha du lot, arracha une touffe d’herbes, la déchiqueta furieusement des dents et des mains, et, une sauvage chanson à la bouche, se baissant, se levant, se rebaissant, se relevant, fit ainsi, un grand moment le simulacre de soulever la pile.

— Ria ! Ria ! Pousso ! Pousso !

La pile ne bougeant pas davantage, les capitas se ruèrent sur les hommes nus. Ils les frappèrent avec les pieds, avec les poings. Aucun ne protestait. Sous la douleur, l’un se redressa cependant, et prit sa hanche dans sa main. Il y eut un temps d’arrêt et la danse recommença. Alors, quatre noirs quittèrent la pile et vinrent vers moi, me montrant des doigts écrasés. Deux autres avaient la figure ensanglantée par la chicotte. Un septième une blessure au cou.