Oui.
Combien de gens ?
Il avait deux garçons, mais l’un d’eux s’en est allé l’autre jour se marier.
Oui-dà ?
Malheureusement.
Comment donc ?
Je lui avais donné ma vie, et il m’a laissée là… L’amour le plus tendre s’oublie… Il n’y a rien qui dure en ce monde.
Vous auriez voulu l’épouser ?
Je l’avais espéré.
Hélas ! que mon sort ressemble au vôtre ! Il y avait aussi, dans mon endroit, une jeune fille avec qui je pensais à me marier.
Elle vous a trahi, n’est-il pas vrai ?
Eh oui !… c’est-à-dire qu’un maître berger, qui était plus riche que moi, me l’a enlevée.
Il n’y a pas là de quoi tant vous affliger si elle a renoncé à vous malgré elle. Il n’en est pas de même, hélas ! de mon amoureux.
Pour Dieu ! ma gentille meunière, ne le pleurez donc pas.
Oh ! je ne suis pas comme j’étais ; mon chagrin a bien diminué. Quand j’ai appris qu’il me quittait, j’ai été bien triste ; mais à présent que c’est fait, je commence à me remettre. Je chante et je pince de la guitare, je ris et je m’amuse. Ne m’avez-vous pas vue tout à l’heure, comme je jouais avec l’autre garçon, et comme nous nous jetions de la farine ?… Puis, quand même, je ne voudrais pas avoir l’air de prendre cela à cœur…
Quand il s’agit d’amour et de fierté, la dernière des paysannes en sait autant qu’une grande dame.
Que dites-vous là entre les dents ?