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femme et son fils un brave gentilhomme, un hidalgo nommé Felix de Vega, lequel partageait son temps entre le culte des belles-lettres et les soins qu’exigeait son petit domaine héréditaire. Or, notre don Felix avait, à ce qu’il paraît, des passions fort vives : étant venu à s’éprendre d’une belle dame, il laissa là sa femme et sa province, et s’enfuit avec son Hélène à Madrid. Mais l’épouse abandonnée, Francisca Fernandez, qui descendait probablement de ces vaillantes Asturiennes qu’ont célébrées les trouvères espagnols, se mit à la poursuite du couple fugitif, et l’ayant rejoint, reconquit sur sa rivale son mari volage. De cette réconciliation naquit notre poëte. C’est par allusion à ces événements que lui-même s’est appelé l’enfant de la jalousie[1].

Lope Felix de Vega naquit à Madrid, prés la porte de Guadalaxara, le 25 novembre 1562, jour de la fête de san Lope, évêque de Vérone, dont on lui donna le nom, suivant un usage espagnol. Sa naissance précéda de dix-huit mois celle de Shakspeare.

S’il faut en croire Montalvan, Lope enfant fut véritablement et sérieusement ce que l’on appelle d’ordinaire un prodige. Il n’avait pas encore deux ans, que déjà dans l’éclat et la vivacité de ses yeux se révélait un esprit infini. Il étudiait avant de savoir parler, et au défaut du langage, il exprimait ses pensées par son action et sa physionomie. À l’âge de cinq ans il comprenait la langue latine et faisait des vers espagnols ; mais comme il était encore inhabile à les écrire, il les dictait à ses camarades, dont il payait le travail avec le paie de ses déjeuners, et ensuite lui-même, dit-on, échangeait ces petites productions poétiques contre des jouets et des images. N’y a-t-il pas quelque chose de charmant à voir ces goûts enfantins unis à un génie si précoce ?

Au sortir des premières écoles, le jeune Lope fut placé au collège impérial de Madrid, où il apprit en deux années la grammaire et la rhétorique. Vers l’âge de onze ou douze ans, il composait, lui-même nous l’apprend, de petites comédies dans la forme espagnole antique, en quatre actes fort courts. Et comme si ces divers travaux n’eussent point suffi à cette

  1. Les passages imprimés en caractères italique ou renfermés entre des guillemets et dont nous n’indiquons pas la source, sont traduits littéralement des épîtres.