Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 1.djvu/122

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La Duchesse.

L’infant, qui le hait parce que je le préfère à lui, parce que je refuse de recevoir ses soins, et que le comte occupe seul ma pensée.

Le Comte.

Si vous le désirez, je le tue… J’ai chez moi, à la maison, une épée de votre comte.

La Duchesse.

Qui vous l’a donnée cette épée ?… Quand et comment l’avez-vous eue ?

Le Comte.

J’étais au moulin, lorsqu’il passa par là à pied et fatigué ; car il avait laissé son cheval sur la route à demi mort. Je l’hébergeai et le fis dormir près de moi. Et le lendemain, en me quittant, il me donna son manteau et son épée en échange d’un habit pareil à celui que je porte.

La Duchesse.

Il a dormi près de vous ?

Le Comte.

Oui, madame.

La Duchesse.

Et il vous a donné son manteau et son épée ?

Le Comte.

Oui, madame.

La Duchesse.

Pauvre comte ! il fallait qu’il fût bien malheureux et qu’il eût bien peur.

Le Comte.

Au nom de Dieu, madame, ne vous affligez pas ; car c’est le comte qui vous parle !

La Duchesse.

Ô ciel ! Prospero !… Doucement ! pas de bruit.

Le Comte.

Ne craignez rien ; les nobles faucons sont toujours chaperonnés.

La Duchesse.

Est-ce bien vous ?

Le Comte.

Oui, mon bien, mon cher bien, ma vie, mon âme !

La Duchesse.

Je ne le croirai pas tant que je ne vous aurai pas embrassé.

Le Comte.

Embrassez-moi donc, alors. — Vous n’osez pas et vous êtes troublée ?

La Duchesse.

Un moment.

Le Comte.

Qu’avez-vous ?