Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 2.djvu/132

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— Mais ce sera trop tard pour la pauvre Jacinthe. J’en suis fâché. C’était une honnête et brave fille.

Estévan.

Ne me disiez-vous pas qu’il avait fait fouetter Mengo ?

Alonzo.

Ils ont laissé sa peau plus noire que de l’encre.

Estévan.

Ne parlons plus de cela ; mon sang bout quand je songe aux extravagances de cet homme, et au mauvais renom qu’il mérite. — Ah ! pourquoi m’a-t-on confié cette vare inutile[1] ?

Alonzo.

Pourquoi vous affliger ? vous n’avez aucun pouvoir sur ses domestiques.

Estévan.

Voulez-vous que je vous dise quelque chose encore plus fort, qu’on m’a conté ? Ils rencontrèrent un jour dans la partie la plus profonde du vallon la femme de Pèdre Redondo, et après qu’elle eut souffert les insolences du commandeur, il l’abandonna à ses gens.

Alonzo.

J’entends quelqu’un… Qui va là ?

Frondoso.

C’est moi. Permettez que je m’approche.

Estévan.

Tu n’as pas besoin ici, Frondoso, de permission. Tu dois l’existence à ton père, et à moi une amitié tendre. Je t’ai vu naître, et je te regarde comme mon fils.

Frondoso.

Eh bien, seigneur, me confiant en vos bontés, j’attends une grâce de vous. — Vous savez quelle est ma famille ?

Estévan.

Est-ce que, par aventure, tu aurais à te plaindre de ce fou de Fernand Gomez ?

Frondoso.

Certainement.

Estévan.

Je le craignais.

Frondoso.

Cependant ce n’est pas pour me plaindre que je suis venu. Espérant dans les bontés que vous avez toujours eues pour moi, et amoureux de Laurencia, je voudrais obtenir sa main. Pardonnez si, dans mon impatience, je vous fais moi-même cette demande ; mais un autre vous l’aurait dit, vaut autant que ce soit moi.

  1. La vare était le signe du commandement de l’alcade.