Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 2.djvu/139

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une fois qu’ils auront vaincu les rebelles qui osent leur résister, ne permettront pas sans doute qu’il y ait dans les villes et les villages des hommes assez puissants pour porter des croix aussi grandes. Que notre roi place sur sa royale poitrine ces nobles insignes qui ne sont point faites pour d’autres.

Le Commandeur.

Holà ! qu’on lui ôte la vare.

Estévan.

Reprenez-la, seigneur, et que ce soit à la bonne heure.

Le Commandeur.

Eh bien, je l’en frapperai comme un cheval vicieux.

Il le frappe.
Estévan.

Vous êtes mon seigneur et je dois le souffrir. Frappez.

Pascale.

Quoi ! vous maltraitez un vieillard ?

Laurencia.

Vous le frappez parce qu’il est mon père. Vous vous vengez sur lui.

Le Commandeur.

Emmenez aussi cette insolente, et que dix soldats la gardent.

Il sort avec ses hommes d’armes, qui emmènent Frondoso et Laurencia.
Estévan.

Ô ciel ! justice ! justice !

Il sort.
Pascale.

La noce s’est changée en deuil.

Elle sort.
Barrildo.

Eh quoi ! il n’y en aura pas un de nous qui parlera ?

Mengo.

Pour moi j’ai mon compte ; je me tiens pour satisfait[1]. Si d’autres ne le sont pas, ils n’ont qu’à le lui dire.

Juan.

Eh bien, parlons, parlons tous !

Mengo.

Mes amis, je vous engage plutôt à tous vous taire. Autrement il vous arrangera comme il m’a arrangé, et vous ressemblerez à des tranches de saumon frais.

  1. Il y a ici une grâce intraduisible sur le double sens du mot cardenal, cardinal et meurtrissure. Littéralement : « On peut encore voir sur moi les cardinaux (ou les meurtrissures) sans aller à Rome. »