Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 2.djvu/141

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ont pacifié les choses en Castille, et qu’on dit qu’ils veulent aller à Cordoue, envoyons vers eux deux de nos régidors, lesquels, se prosternant à leurs pieds, imploreront leur protection.

Barrildo.

Ferdinand est encore trop occupé de la guerre et des troubles de l’intérieur, et il ne pourra nous secourir. — J’aimerais mieux tout autre parti.

Un Régidor.

Si vous voulez m’en croire, il nous faut tous quitter le pays[1].

Juan.

Nous n’en aurions pas le loisir.

Mengo.

S’il vient à connaître ce qui s’est passé, je crains bien que cette junte ne coûte la vie à plus d’un.

Alonzo.

Le vaisseau de la patrie, désemparé de ses mâts et de ses agrès, est près de s’abîmer. Avez-vous vu avec quelle insolence il a enlevé la fille de l’homme qui régit notre patrie ? Avez-vous vu comme à lui-même il lui a brisé sur la tête la vare signe de sa magistrature ? Quel esclave fut jamais traité d’une façon plus cruelle et plus avilissante ?

Juan.

Que voudrais-tu donc que fît le peuple ?

Alonzo.

Mourir, ou tuer les tyrans. Nous sommes en grand nombre, ils ne sont qu’une poignée.

Barrildo.

Prendre les armes contre notre seigneur ?

Estévan.

Après Dieu, c’est le roi qui est notre seigneur. Nous ne pouvons pas reconnaître pour seigneur un barbare, un infâme. Si Dieu nous vient en aide, s’il voit d’un œil favorable le zèle avec lequel nous défendons une juste cause, qu’avons-nous à craindre ?

Mengo.

Prenez garde, mes seigneurs… de la prudence ! Je suis ici comme représentant des simples journaliers, lesquels souffrent le plus d’injures, et cependant je vous engage en leur nom à bien considérer le danger.

Alonzo.

Et ne sommes-nous pas menacés jusque dans notre existence ? Resterions-nous immobiles si l’on venait incendier nos maisons et nos vignes ? — Ce sont des tyrans, courons à la vengeance.

  1. Il y a dans l’histoire d’Espagne plusieurs exemples de la réalisation de déterminations semblables.