Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 2.djvu/168

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Joseph.

Honorer de telles paroles ton humble esclave, c’est montrer la noblesse de ton cœur.

Nicèle, à part.

Comment donc ne comprend-il pas que je l’aime, lui dont l’intelligence passe les limites ordinaires, lui dont la sagesse supérieure et la pénétration divine se font admirer soit dans ma maison, soit aux soldats que commande mon époux ?…

Joseph.

Je m’en aperçois à présent, je me suis abusé, madame, et il ne convient pas à un humble esclave de demeurer avec toi en si longue conversation. — Qu’ordonnes-tu ?

Nicèle.

Écoute-moi, Joseph.

Joseph.

En ce moment, je ne puis.

Nicèle.

J’ai un ordre à te donner.

Joseph.

Si c’est un ordre qui me doive retenir ici, ce sera pour mon retour. En ce moment d’autres affaires m’appellent dehors.

Il sort.
Nicèle.

Que prétends-tu, que veux-tu, folle pensée qui t’arrêtes sur un esclave ?… Ma raison s’indigne de tant de faiblesse, de tant de folie !… Puis-je oublier ainsi ce que je me dois à moi-même ? Cette passion insensée, qui fait de Joseph mon seigneur et mon maître, ne me transforme-t-elle pas en son esclave ?

Bruit de tambour.


Entrent PUTIPHAR, SERVIO, et d’autres Soldats de sa suite.
Putiphar.

La revue a été brillante.

Servio.

Et le roi a paru satisfait quand ta troupe a défilé en sa présence.

Putiphar.

Elle était encore fort brillante, quoiqu’il fût tard lorsque notre tour est venu.

Servio.

Ma maîtresse est devant vous.

Putiphar.

Ma chère Nicèle.

Nicèle.

Mon seigneur, l’amour devrait t’annoncer à moi avec une plus douce musique. — As-tu reçu du roi quelque nouvelle faveur ?

Putiphar.

La première des faveurs pour moi, ô ma bien aimée ! c’est ta satisfaction, c’est ton plaisir.