Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 2.djvu/183

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Lida.

Eh quoi ! tu écoutais ? Quelle trahison !… Ô ciel ! je me meurs.

Bato.

Je le dirai à mon maître.

Lida.

Bato, mon cher Bato !

Bato.

Non, non, je n’écoute rien. Ou tu m’aimeras, ou je parle. Il n’y a pas de milieu.

Lida.

Eh bien, je t’aimerai.

Bato.

Alors coupe sur ma tête la boucle de cheveux que tu demandais à Benjamin… puisque c’est une faveur.

Lida.

Je le veux bien.

Bato.

Coupe, coupe vite, si tu peux… car mes cheveux sont aussi durs que les poils d’un sanglier.

Lida.

Voici mon seigneur. Ce sera pour une autre occasion.

Bato.

Tu m’attendras là bas.

Ils sortent.


Entrent, d’un autre côté, JACOB, RUBEN, ISSACAR et SIMÉON.
Jacob.

Ils sont cruels, ces temps de stérilité. Déjà je crains pour ma famille.

Ruben.

La campagne n’offre qu’un triste aspect. Partout, partout la tristesse et le deuil. Et comment pourrait-il en être autrement lorsqu’elle ne produit plus la nourriture des hommes ?

Issacar.

Le ciel, comme s’il était irrité contre la terre, ne sustente plus ce qu’il a créé. Plus de pâturage pour les troupeaux ; plus d’herbe dans nos prairies desséchées.

Jacob.

C’est grand’pitié, mes fils, de voir ces ruisseaux où l’eau déjà manque. Il est triste de voir de toutes parts la terre qui s’entr’ouvre, comme si elle voulait par toutes ses bouches faire entendre au ciel ses plaintes. Le bétail, qui n’a trouvé nulle pâture aux champs accoutumés, pousse, au retour, des bêlements plaintifs que répète l’écho gémissant ; et bientôt tout va périr. — Au milieu de ces calamités, on m’a conté que tout le pays d’Égypte était dans l’abondance. Partez, mes fils ; allez acheter du blé, quelque chagrin que je doive ressentir de votre absence. Ils doivent en avoir plus qu’il