Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 2.djvu/246

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Don Juan.

Morbleu ! dis-lui qu’il s’en aille et me laisse tranquille. — Tu vois, Léonel !

Léonel.

Pardon, seigneur ; mais cela ne me semble pas convenable. Un cavalier tel que vous doit au moins recevoir le message poliment.

Don Juan.

Quoi ! tu l’exiges !

Léonel.

Vous en rejetterez la faute sur moi… si toutefois vous y avez regret.

Don Juan, au page.

Fais entrer.


Entre L’ÉCUYER.
L’Écuyer.

Ma maîtresse m’a chargé de vous remettre ce billet. — De quel air vous le recevez !

Don Juan.

Comment voulez-vous donc que je reçoive un billet d’une femme qui reçoit les visites des princes ?

L’Écuyer.

Autrefois vous me faisiez un autre accueil ; c’étaient tous les jours de bonnes gratifications, des cadeaux superbes. Mais en voyant votre air courroucé, je n’ose pas même vous rappeler cet habillement que vous m’aviez promis. Car je connais messieurs les galants : ils ressemblent aux ruisseaux, qui, lorsqu’il tombe une bonne pluie, s’enflent, courent et entraînent tout sur leur passage ; mais qui, la pluie cessée, ne vous montrent plus que des cailloux. Cependant, monseigneur, je ne vous accuse pas ; je n’accuse que mon triste sort. J’ai toujours joué de malheur avec les habillements qu’on m’a promis.

Don Juan.

Allez-vous-en, et Dieu vous garde ! — Je suis ennuyé au dernier point. Dites à votre maîtresse que Chacon lui portera ma réponse.

L’Écuyer.

Je me retire sans répliquer, pour que vous ne disiez pas que tous les écuyers sont aussi ennuyeux les uns que les autres.

Il sort.
Léonel.

Eh bien, ouvrez donc le billet.

Don Juan.

Il est passé le temps où j’eusse couvert chaque ligne, chaque mot de mes baisers.

Léonel.

Allons, ouvrez… pas d’enfantillage.