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pas dit cent fois, que ce don Juan ne vous aimait pas comme on doit aimer, — qu’il n’était qu’un perfide, et ne voulait que vous tromper ? Aussi, le voilà, à la première occasion, qui vous délaisse, sous prétexte que vous avez reçu la visite des princes.

Dorothée.

Peut-être a-t-il entendu parler des démarches que l’infant a fait faire auprès de moi ?

Théodora.

Qu’importe, puisque l’infant n’a rien obtenu ?… Et vous aviez montré assez ce que vous êtes en quittant votre ancien logis, pour que ce jaloux vînt se justifier.

Dorothée.

Il m’a si bien oubliée, qu’il ne sait pas même que je demeure ici.

Théodora.

Je suis fâchée de vous voir avec ces préoccupations… et qu’à tous moments vous alliez regarder du côté de la fenêtre. — Il serait temps d’être sage ; et même, à présent, il vous sera malaisé de vous établir.

Dorothée.

Et pourquoi donc ?

Théodora.

Ses assiduités vous ont beaucoup nui.

Dorothée.

Allons, ne voilà-t-il pas que vous allez me faire un sermon ! J’ai bien assez de mes ennuis !

Théodora.

Votre frère n’est pas encore arrivé.

Dorothée.

Oubliez-vous qu’il ne vit que pour Marcèle ?… Il paraît même qu’il lui a cédé aujourd’hui la maison que nous venons de quitter.

Théodora.

C’est assez délicat.

Dorothée.

Quel mal y a-t-il, puisque nous n’y demeurons plus ? — Mais il se fait tard. Il est pour vous l’heure du sommeil.

Théodora.

Ah ! mon enfant, faut-il que son inconstance vous rende ainsi jalouse ?… Car je le vois, vous l’attendez. Vous espérez qu’il vous viendra parler sous vos fenêtres.

Dorothée.

C’est ainsi que vous me consolez. — Adieu ; bonne nuit. — Je vais prendre le frais sur le balcon.

Théodora.

Pour le feu qui vous dévore, il faudrait un air bien frais ; et l’air de la mer n’y suffirait pas.

Elle sort.