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Théodora.

Moi ?… C’est donc moi que vous aimez ?

Henri.

Je dis cela, parce que vous êtes mon guide.

Théodora.

Il ne faut pas venir trop près de moi, parce que vous réveilleriez mes femmes. — Munissez-vous d’une lanterne sourde, allumez la lampe que je viens de vous dire, et traversez le tambour… À gauche est mon appartement ; j’aurai soin de fermer, afin que si par aventure elle crie, nous n’entendions rien… Allez en face ; ouvrez avec cette troisième clef que voici, et là vous trouverez la Belle dormant. Elle est seule ; car une suivante favorite qui couche ordinairement près d’elle est allée par hasard voir sa mère… Après cela, c’est à vous de ne pas manquer de cœur. Car il y a des hommes qui sont des lions à qui mille épées ne feraient pas peur, mais qui devant une femme perdent tout courage et tremblent comme s’ils avaient la fièvre.

Henri.

Je vous remercie de vos instructions, et j’aurai soin de donner au frère une commission qui l’empêche de rentrer. — Quant au courage, il est vrai que devant une place qui se rend tout de suite le soldat perd sa vigueur. Mais où il y a des obstacles, où il y a des cris, des pleurs, du dédain, c’est autre chose. L’amour est comme la foudre, qui renverse un objet d’autant plus violemment qu’il offrait plus de résistance. — Venez ; je vais vous compter ce que je vous ai promis. L’écuyer ou tout autre, à votre choix, pourra vous le porter.

Théodora, à part.

Toujours une femme a été livrée par une autre femme.

Henri, bas, à don Arias.

Ai-je bien négocié, Arias ?

Arias.

Cela vous coûte assez cher.

Henri.

J’achète ma vie.

Arias.

Alors il n’y a rien à regretter.

L’Écuyer, à Théodora.

Partons-nous ?

Théodora.

À l’instant. (À Henri.) Au moins, gardez-moi le secret !

Ils sortent.