Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 2.djvu/315

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Don Juan.

Son visage a changé de couleur.

Citron.

Je parierais que c’est sa femme.

Don Juan.

Maintenant qu’il l’a vu, c’est irrémédiable.

Citron.

Comme vous vous êtes pressé de le lui montrer !

Don Juan.

Les ennuis viennent toujours vite.

Citron.

Au reste, s’il le prend mal, nous dirons que c’est lui qui a tué ce gentilhomme.

Don Juan.

Ce qui m’ennuie, c’est à cause de la femme.

Citron.

Et moi, c’est à cause d’Inès ; car je perds là une luronne aimable, palpable, — et sans portrait.




JOURNÉE DEUXIÈME.



Scène I.

Dans la prison.


Entrent DON JUAN et DON LOUIS.
Don Juan.

Comment vous exprimer ma reconnaissance de tant de bontés ?

Don Louis.

La seule différence entre nous doit être qu’à vous, don Juan, ce sera votre corps, votre personne physique qui sera en prison, et qu’à moi, ce sera mon âme.

Don Juan.

Ceux qui ont tant vanté la Grèce ne connaissaient pas la puissance des étoiles qui mettent cette force dans l’amitié.

Don Louis.

Le ciel même nous avertit si elle est véritable ou feinte. Castor et Pollux changés tous deux en étoiles sont à mes yeux la preuve de l’influence des planètes. L’une se montre au moment même où l’autre disparaît ; et c’est ainsi que Virgile a dépeint leur vie et leur mort alternatives[1].

  1. Le passage de virgile auquel Lope fait allusion se trouve au livre vi de l’Énéide. Le voici :

    Si fratrem Pollux alternâ morte redemit,
    Itque reditque viam toties
    , etc., etc.

    Castor et Pollux (les Gémeaux) sont au nombre des signes du zodiaque ; mais n’est-ce