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qui m’arrête ici ?… Je vais à Madrid, je l’atteindrai aujourd’hui même.

Dionis.

Que concluez-vous, seigneur ?

Don Louis.

Que celui qui aime doit se taire.

Ils sortent.



Scène IV.

La campagne près de Tolède.


Entrent DON JUAN et CITRON.
Don Juan.

J’en perdrai la raison.

Citron.

Puissiez-vous ne faire jamais de perte plus considérable !

Don Juan.

Ah ! belle Léonarda !

Citron.

Ah ! gentille Inès !

Don Juan.

Te souvient-il, dis-moi, de ces beaux yeux et de ces dents de perles ?

Citron.

Où diable aura-t-on mis cette mule ? où l’aura-t-on renfermée pendant que nous étions nous-mêmes en prison ? à peine si elle peut nous suivre.

Don Juan.

Quelles folies !

Citron.

Nous n’avons pu la monter ni l’un ni l’autre. Dès qu’elle a senti l’éperon, la voilà aussitôt faisant des entrechats, dansant le menuet et caracolant d’une manière étonnante.

Don Juan.

Je ne suis pas d’humeur à entendre tes sottises d’ici à Madrid.

Citron.

Ou elle est malade de la fève[1], ou elle a eu du chagrin de quitter son étable de Séville. Voyez son air contemplatif ! elle enchanterait un poëte, ou un de ces astrologues qui donnent aux étoiles des noms de chevaux, de poissons, de taureaux, de moutons, que sais-je ? et qui vous disent qu’il y aura dans l’année peu de blé, force lentilles, des puces, des maux de dents, des mariages, des guerres et des morts ; comme s’il n’y avait pas de tout cela chaque année depuis que Dieu a fait le monde !

  1. Maladie des chevaux, dont le siége est dans la bouche.