Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 2.djvu/83

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Célia.

À qui donc comptez-vous demander cette somme ?

Phénice.

À moi-même. J’ai déjà deux mille ducats par devers moi, et je trouverai les mille autres sur mes bijoux. Trente pour cent, c’est un gain qui n’est pas à dédaigner. Puis, quand il aura vendu, j’aurai le reste.

Célia.

Prenez garde, madame ; les hommes ont parfois d’habiles vengeances.

Phénice.

Le plus fin d’entre eux serait trompé par une femme. Allons à la douane, je consulterai le registre, et je saurai au juste, d’après la propre déclaration du jeune homme, ce que vaut sa marchandise. Tu vois que je n’agis pas à la légère.

Célia.

J’admire votre prudence.

Phénice et Célia sortent.
Don Félix.

Vous lui avez tendu là un bon piége.

Lucindo.

Je doute fort qu’elle m’échappe.

Don Félix.

Elle prend bien, d’ailleurs, ses précautions.


Entrent LE CAPITAINE et DINARDA.
Le Capitaine.

Vous n’avez d’aucune façon besoin de vous excuser ; je sais que vous êtes un cavalier plein d’honneur.

Lucindo, à don Félix.

Voici du monde. Retournez au logis pendant que je vais chercher cet argent ; et s’il faut absolument que vous tuiez votre ennemi de votre propre main, du moins ne vous compromettez pas.

Don Félix.

Je veux avant tout que ma vengeance soit secrète.

Lucindo et don Félix sortent.
Dinarda.

Que Phénice soit venue au logis, je n’essayerai pas de le nier, capitaine ; mais il est clair que c’est vous qu’elle y venait voir.

Le Capitaine.

Vous ne me persuaderez pas ; je connais son humeur et ses manières. Il serait plus facile d’emprisonner le soleil, d’arrêter un nuage, de prendre le vent, que de conserver à un homme le cœur changeant de cette femme. Avec cela, elle a l’honnête habitude de soutirer, par mille je ne sais quels moyens, l’argent des étrangers. Elle est rusée, je vous en réponds, plus rusée que vous, mon jeune gentilhomme. Aussi, quelque bonne opinion que j’aie de vous, je