Page:Lorain - Tableau de l’instruction primaire en France.djvu/38

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bonne ou mauvaise qu’on doit en craindre ou en espérer.

Souvent encore l’opposition vient des personnes qui occupent dans leur circonscription un rang élevé. Nous ne parlons pas seulement de celles qui, par un sentiment de haine contre les institutions nouvelles, se déclarent contre toutes les mesures qui pourraient en assurer l’avenir. Nous n’avons vu nulle part la preuve que cette classe d’hommes soit très-nombreuse ni très-agissante dans nos campagnes, et on peut dire même que leur attachement connu à des principes politiques, qui ne trouvent pas de sympathie dans les masses, discrédite aussi leur résistance aux progrès de l’instruction. Mais c’est souvent parmi des hommes franchement dévoués au gouvernement que l’on entend des objections contre la loi (68). Tantôt ils les puisent dans l’intérêt de l’agriculture ; quand tous les enfants du village sauront lire et écrire, où trouverons-nous des bras (69) ? Ils iront dans quelque fabrique, et déserteront nos campagnes (70), ou bien ils feront comme les séminaristes de Servières, ils se dégoûteront des travaux manuels auxquels les destinaient leurs pères (71), et ils augmenteront le nombre des fainéants (72) et des avocats de village (73) qui déjà pullulent dans nos hameaux. « Nous avons besoin de vignerons, et non pas de lecteurs, dit un propriétaire du Médoc (74). » « Au lieu d’aller perdre leur temps à l’école, qu’ils aillent curer un fossé, dit un bourgeois du Gers (75). » Tantôt un amour-propre insensé révolte les fermiers un peu aisés contre l’idée d’envoyer leurs enfants s’asseoir côte à côte sur le même banc que les indigents (76). On a beaucoup parlé de cet esprit d’égalité qu’on suppose aujourd’hui faire le fond des mœurs françaises : eh bien ! presque partout, dans les campagnes, un homme qui se sent au-dessus des ouvriers qu’il emploie par la supériorité des journaux de terre qu’il possède, regarde comme un des priviléges