Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/272

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cette fois à mes yeux, une inquiétante silhouette de cette pauvre Suzanne Evrard ; et c’est en goule, en sorte de vampire, en être fantomnal et trafique que se dresse maintenant devant moi cette jolie fille, un peu trop grande et un peu longue peut-être, mais à la taille si souple, aux si délicieuses attitudes de grande fleur lourde et comme brisée, et je me prends à songer sinistrement à l’éclat singulier, à la lueur courte et brève de ses grands yeux noirs, ses yeux fiévreux d’éthéromane, si largement ouverts dans sa mate pâleur !

Et deux visions, deux souvenirs la campent devant moi et me la synthétisent sous cet aspect jusqu’alors ignoré de goule néfaste et mauvaise.

D’abord il y a deux ans, une nuit de bal de l’Opéra où Jacques, elle, moi et toute une mauvaise compagnie de joyeux et de joyeuses, nous étions échoués à la Maison d’Or, vers les trois heures du matin…

Et avec la lucidité d’un somnambule, je revoyais cette fin de souper, les desserts en débandade sur la nappe tachée, les coupes de cristal encore à demi-remplies de marquise, et, debout devant