Page:Lorrain - Buveurs d’âmes, 1893.djvu/179

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à coup rougissante : « Je veux dire, vous n’avez donc pas eu dans votre vie une aventure digne d’un souvenir ? » Et tout aussitôt avertie par une ombre de tristesse descendue sur mon front. « Eh bien, puisque vous aussi, balbutiait-t-elle avec d’enfantines réticences, vous devriez savoir, ne fût-ce que par vous-même, mon ami, quels sentiments peuvent survivre et s’attacher à un amour mort ».

— La liste n’en est pas bien longue et vous n’aurez pas à chercher longtemps.

— Comment, vous n’y êtes pas encore ? Et me désignant du doigt la Pieta encapuchonnée de sombre : « Voyons, cette figure âgée aux yeux de compassion et d’attitude si douloureusement poignante, cette mère au désespoir et cependant attendrie, mais c’est la Résignation et, si le peintre l’a faite déjà vieille, c’est que la jeunesse ne sait point endurer la souffrance et que l’expérience seule apprend à accepter la vie. Voyez plutôt si la figure de la Magdeleine se résigne ! elle est jeune, elle, et comme elle adore avec toute la fougue de sa jeunesse, elle ne veut pas croire à la mort de l’Amour. C’est comme une bête qu’elle s’est jetée sur ce cadavre, buvant ses plaies, essayant