Page:Lorrain - Buveurs d’âmes, 1893.djvu/229

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Nous rentrons à l’hôtel…, silencieux, un peu gênés. Il se repent, il a des regrets, je pensais en moi-même, je le connais, il se déridera sur l’oreiller, le premier baiser va être délicieux.

En effet, nous nous couchons sans échanger un mot, il était même au lit avant moi : moi qui le guettais du coin de l’œil, j’avais envie d’éclater de rire sous cape, comme une envie de femme énervée qu’on chatouille, maladive, presque douloureuse, comme un spasme…, je passe de l’autre côté du lit et, frissonnante, toute parfumée, je me glisse auprès de lui.

Que fait alors monsieur ? Il me tourne le dos, prend un livre, un roman pris à la portée de sa main sur une table de laque, allume à la bougie une cigarette turque et…

— Il lit…

— Oui, ma chère, il se met à lire, à mon nez, contre moi, la peau contre ma peau, dans la tiédeur de ma chair désirante et pâmée, dans les draps de mon propre lit. Alors, ma chère, une lueur s’est faite dans ma pensée. « Il a encore joué, me suis-je dit, il a encore perdu, il a besoin d’argent et n’ose plus me le dire, il attend que je le devine… et de là son