Page:Lorrain - Buveurs d’âmes, 1893.djvu/74

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ceinture, et les lui enroulait autour du cou en écharpe. Elle me remerciait d’un regard. « Je la garde, vous savez, trouvait-elle à travers un sourire, c’est beau ici, et dire que nous n’y reviendrons peut-être jamais ! »

Jamais !

Au pied de la côte, sur la grande route, la voiture nous attendait avec les bagages !

Je regardais miss Holly de côté. Que n’aurais-je pas donné, il y a dix ans, pour la rencontrer et l’avoir là, à moi, quand j’errais à cheval, si désemparé et si morne dans la clarté de ces vertes sapinières ! avant d’avoir connu l’autre, l’autre dont le fantôme, revenu plus tenace et plus implacable, souligne chaque geste, accompagne chaque pas de la pauvre miss Holly.


Que ne vous ai-je rencontrée,
Ma chère âme, une année avant !
Je vous eus sans doute adorée,
Vous que j’ai subie en rêvant.


Oh ! quand j’écrivais ces vers, il y a huit ans, avant d’avoir passé par toutes ces épreuves, je ne me doutais pas que je prophétisais si vrai, poète de mauvais augure, prophète de malheur