Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/88

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rent se coucher. Aussitôt qu’ils furent au lit, il lui tourna le dos et resta le visage fixé vers le bord du lit, sans lui dire un seul mot jusqu’au matin. Le lendemain, il n’y eut entre eux que gaieté et aimable conversation. Mais, quelle que fût leur affection pendant le jour, il ne se comporta pas une seule nuit jusqu’à la fin de l’année autrement que la première. Il passa le temps en chasses, chants, festins, relations aimables, conversations avec ses compagnons, jusqu’à la nuit fixée pour la rencontre. Cette rencontre, il n’y avait pas un homme, même dans les parages les plus éloignés du royaume, qui ne l’eût présente à l’esprit. Il s’y rendit avec les gentilshommes de ses domaines.

Aussitôt son arrivée, un chevalier se leva et parla ainsi : « Nobles, écoutez-moi bien : c’est entre les deux rois qu’est cette rencontre, entre leurs deux corps seulement. Chacun d’eux réclame à l’autre terre et domaines. Vous pouvez tous rester tranquilles, à la condition de laisser l’affaire se régler entre eux deux. » Aussitôt les deux rois s’approchèrent l’un de l’autre vers le milieu du gué, et en vinrent aux mains. Au premier choc, le remplaçant d’Arawn atteignit Hafgan au milieu de la boucle de l’écu si bien qu’il le fendit en deux, brisa l’armure et lança Hafgan à terre, de toute la longueur de son bras et de sa lance[1], par-dessus la croupe

  1. Cette expression a été probablement imitée de nos romans français : Raoul de Cambrai, v. 2468 :
    Plaine sa lance l’abat mort en l’erbois.
    (Société des anciens textes français.)