Page:Loti - Aziyadé.djvu/253

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Je priai cependant qu’on m’accordât une heure, et je sortis pour réfléchir.

Cette heure me parut courte ; les minutes s’enfuyaient comme des secondes, et mes pensées se pressaient avec tumulte.

Je marchais au hasard dans les rues du vieux quartier musulman qui couvre les hauteurs du Taxim, entre Péra et Foundoucli. Il faisait un temps sombre, lourd et tiède : les vieilles cases de bois variaient de nuances, entre le gris foncé, le noir et le brun rouge ; sur les pavés secs, des femmes turques circulaient en petites pantoufles jaunes, en se tenant enveloppées jusqu’aux yeux dans des pièces de soie écarlate ou orange brodées d’or. On avait des échappées de perspective de trois cents mètres de haut, sur le sérail blanc et ses jardins de cyprès noirs, sur Scutari et sur le Bosphore, à demi voilés par des vapeurs bleues.

Abandonner son pays, abandonner son nom, c’est plus sérieux qu’on ne pense quand cela devient une réalité pressante, et qu’il faut avant une heure avoir tranché la question pour jamais. Aimerai-je encore Stamboul, quand j’y serai rivé pour la vie ? L’Angleterre, le train monotone de