Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/25

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le lointain à des myriades de petites tables blanches.

Aucune mélancolie de souvenir, à revoir tout cela, qui reste joli pourtant sous le suaire hivernal ; aucune émotion : les pays où l’on n’a ni aimé ni souffert ne vous laissent rien. Mais c’est étrange, au seul aspect de cette baie, quantité de choses et de personnages oubliés se représentent à mon esprit : certains coins de la ville, certaines demeures, et des figures de Nippons et de Nipponnes, des expressions d’yeux ou de sourire. En même temps, des mots de cette langue, qui semblait à jamais sortie de ma mémoire, me reviennent à la file ; je crois vraiment qu’une fois descendu à terre je saurai encore parler japonais.

Au soleil de deux heures, la neige est partout fondue. Et on voit mieux alors toutes les transformations qui se dissimulaient ce matin sous la couche blanche.

Çà et là des tuyaux d’usine ont coquettement poussé, et noircissent de leur souffle les entours. Là-bas, là-bas, au fond de la baie, le vieux Nagasaki des temples et des sépultures