Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/29

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désorienté d’abord par tant de changements survenus dans les quartiers voisins de la mer, et puis me reconnaissant davantage aux abords des grands temples, au fin fond du vieux Nagasaki purement japonais.

Quoi qu’on en ait dit, il existe bien toujours, ce Japon lointain, malgré le vent de folie qui le pousse à se transformer et à se détruire. Quant à la mousmé, je la retrouve toujours la même, avec son beau chignon d’ébène vernie, sa ceinture à grandes coques, sa révérence et ses petits yeux si bridés qu’ils ne s’ouvrent plus ; son ombrelle seule a changé : au lieu d’être à mille nervures et en papier peint, la voilà, hélas ! en soie de couleur sombre, et baleinée à la mode occidentale. Mais la mousmé est encore là, pareillement attifée, aussi gentiment comique, et d’ailleurs innombrable, emplissant les rues de sa grâce mièvre et de son rire. Du côté des hommes, les gracieux chapeaux melons et les petits complets d’Occident ne sont pas sensiblement plus nombreux que jadis ; on dirait même que la vogue en est passée.