Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/59

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La guerre d’abord, entre la Russie et le Japon, la guerre s’affirme inévitable et prochaine ; sans déclaration peut-être, elle risque d’éclater demain, par quelque bagarre impulsive aux avant-postes, tant elle est décidée dans chaque petite cervelle jaune ; le moindre portefaix dans la rue en parle comme si elle était commencée, et compte effrontément sur la victoire.

Malgré toute l’incertitude de l’avenir, en ce moment nous nous amusons de la vie ; après notre séjour sur les eaux chinoises, qui fut si austère, si fatigant et si dur, cette baie nous semble un agréable jardin, où l’on nous aurait envoyés en vacances, parmi des bibelots délicats et des poupées.

Bien que le retour soit encore si douteux et éloigné, vraiment oui, nous nous amusons de la vie, pendant que notre amiral, amené ici mourant, reprend ses forces de jour en jour, sous ce climat presque artificiel, entre ces montagnes qui arrêtent les rafales glacées. Un soleil, qui a l’air de passer à travers des vitres, surchauffe presque chaque jour les pentes délicieusement boisées entre lesquelles Naga-