Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/73

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maisonnettes drôles couleur vieux bois et de poussière ; au delà encore, viennent les rives de verdure, la baie profonde, la mer en nappe bleue, la tourmente géologique d’alentour, l’escarpement des cimes, tout cela lointain et comme apaisé par la distance. L’apaisement, la paix, c’est surtout ce que l’on sent pénétrer en soi, plus on séjourne dans ce lieu et plus on monte ; mais pour nous elle est très étrange, la paix que cette ville des morts exhale avec la senteur de ses cèdres et la fumée de ses baguettes d’encens : paix de ces milliers d’âmes défuntes qui perçurent le monde et la vie à travers de tout petits yeux obliques et dont le rêve fut si différent du nôtre. Ils sont innombrables, les êtres dont la cendre se mêle ici à la terre ; les bornes tombales, inscrites de lettres inconnues, se groupent par familles, se pressent sur le flanc de la montagne comme une multitude assemblée pour un spectacle ; il en est de si anciennes, de si usées qu’elles n’ont plus de forme. Et tout ce versant regarde le sud et l’ouest, de façon à être constamment baigné de rayons, le soir surtout, attiédi et doré même