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MADAME CHRYSANTÈME

qu’une copie pâle de ce que j’ai connu dans mes premières années, une copie à laquelle quelque chose manque. Et tristement je me demande à moi-même : la splendeur des étés, est-ce que vraiment ce n’est que cela, — n’était-ce que cela ? ou bien y a-t-il une erreur de mes yeux et, avec le temps, verrai-je ces choses pâlir encore ?…

… Derrière moi, une petite musique triste, triste à faire frissonner, — et grêle, grêle autant que le chant des cigales, — commença de se faire en sourdine, puis s’éleva, gémissante, comme la plainte mièvre de quelque âme japonaise en peine et en angoisse dans l’air silencieux de midi : Chrysanthème et sa guitare, qui s’éveillaient ensemble…

Et il me plut que cette idée lui fût venue, de me faire de la musique, me voyant là, au lieu de s’empresser à me dire bonjour. (A aucun moment je ne me suis imposé la contrainte d’avoir l’air un peu épris d’elle ; mais nos rapports deviennent froids de plus en plus, surtout quand nous sommes seuls.) — Aujourd’hui pourtant je me retournai pour lui sourire et, de la main, je lui fis signe : « Allons, joue encore. Cela m’amuse d’écouter ta petite improvisation étrange. » — C’est singulier