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MADAME CHRYSANTÈME

netteté dure et, cependant, ils ont ce vague de vision que prennent les objets très grands à la lueur lunaire. Leurs architraves courbes se relèvent, aux extrémités, en deux cornes inquiétantes, tendues vers la voûte lointaine et bleuâtre où scintillent les étoiles ; ils ont l’air de vouloir communiquer aux dieux, par ces pointes, les choses que leur base profonde entend dans la terre d’alentour remplie de sépulcres et de morts.

Nous sommes un tout petit groupe, nous, perdu maintenant au milieu de cette montée colossale ; nous cheminons, éclairés moitié par la lune pâle qui est en haut, moitié par les lanternes rouges qui sont dans nos mains et qui se balancent toujours au bout de leurs longues tiges.

Il se fait un grand silence dans ces abords du temple ; même les bruits d’insectes se taisent à mesure que nous nous élevons. Une sorte de recueillement, de demi-crainte religieuse nous gagne peu à peu, en même temps qu’une plus grande fraîcheur se répand dans l’air et nous saisit.

En haut, dans la cour sacrée, où résident le