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MADAME CHRYSANTHÈME

Tant pis ! Je vais essayer de regarder entre les châssis légers, — par une fente que j’aperçois là-bas.

Oh ! le spectacle singulier : évidemment de jeunes élégants de Nagasaki en train de faire la grande fête clandestine ! Dans un appartement aussi nu que le mien, ils sont là une douzaine assis en rond par terre ; longues robes en coton bleu à manches pagodes, longs cheveux gras et plats surmontés d’un chapeau européen de forme melon ; figures niaises, jaunes, épuisées, exsangues. À terre, une quantité de petits réchauds, de petites pipes, de petits plateaux de laque, de petites théières, de petites tasses ; — tous les accessoires et tous les restes d’une orgie japonaise ressemblant à une dînette d’enfants. Et, au milieu du cercle de ces dandies, trois femmes très parées, autant dire trois visions étranges : robes de couleurs pâles et sans nom, brodées de chimères d’or ; grands chignons arrangés avec un art inconnu, piqués d’épingles et de fleurs. Deux sont assises et me tournent le dos : l’une tenant la guitare ; l’autre, celle qui chante de cette voix si douce ; — elles sont exquises de pose, de costume, de che-