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MADAME CHRYSANTHÈME

Enfin cela s’écoule, cela descend, avec un dernier bourdonnement de civilités, de phrases aimables qui s’achèvent d’une marche à l’autre, à voix décroissante. Et nous restons seuls, lui et moi, dans l’étrange logis vide, où traînent encore sur les nattes les petites tasses à thé, les impayables petites pipes, les plateaux en miniature.

— Regardons-les s’en aller ! dit Yves en se penchant dehors.

À la porte du jardin, mêmes saluts, mêmes révérences, puis les deux bandes de femmes se séparent ; leurs lanternes de papier peinturluré, qui s’éloignent, tremblotent et se balancent à l’extrémité des bâtons flexibles — qu’elles tiennent du bout des doigts, comme on tiendrait une canne à pêche pour prendre à l’hameçon dans l’obscurité des oiseaux nocturnes. Le cortège infortuné de mademoiselle Jasmin remonte vers la montagne, tandis que celui de mademoiselle Chrysanthème descend par une vieille petite rue, moitié escalier, moitié sentier de chèvre, qui mène à la ville.

Puis nous sortons, nous aussi. La nuit est fraîche, silencieuse, exquise ; l’éternelle musique des cigales remplit l’air. On voit encore les lanternes rouges