Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/101

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

avaient la respiration à toute minute coupée. Après chaque grande masse d’eau tombée, ils se regardaient — en souriant, à cause de tout ce sel amassé dans leur barbe.

À la longue, pourtant, cela devenait une extrême fatigue, cette fureur, qui ne s’apaisait pas, qui restait toujours à son même paroxysme exaspéré. Les rages des hommes, celles des bêtes s’épuisent et tombent vite ; — il faut subir longtemps, longtemps celles des choses inertes qui sont sans cause et sans but, mystérieuses comme la vie et comme la mort.

Jean-François de Nantes ;
     Jean-François,
     Jean-François !

À travers leurs lèvres devenues blanches, le refrain de la vieille chanson passait encore, mais comme une chose aphone, reprise de temps à autre inconsciemment. L’excès de mouvement et de bruit les avait rendus ivres, ils avaient beau être jeunes, leurs sourires grimaçaient sur leurs dents entre-choquées par un tremblement de froid ; leurs yeux, à demi fermés sous les paupières brûlées qui battaient, restaient fixes dans une