Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/172

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

peu sur la gauche, voyant la direction du coup qui allait partir. Mais, dans le mouvement de détente, le canon de ce fusil dévia par hasard dans le même sens. Alors, lui, sentit une commotion à la poitrine, et, comprenant bien ce que c’était, par un éclair de pensée, même avant toute douleur, il détourna la tête vers les autres marins qui suivaient, pour essayer de leur dire, comme un vieux soldat, la phrase consacrée : « Je crois que j’ai mon compte ! » Dans la grande aspiration qu’il fit, venant de courir, pour prendre, avec sa bouche, de l’air plein ses poumons, il en sentit entrer aussi, par un trou à son sein droit, avec un petit bruit horrible, comme dans un soufflet crevé. En même temps, sa bouche s’emplit de sang, tandis qu’il lui venait au côté une douleur aiguë, qui s’exaspérait vite, vite, jusqu’à être quelque chose d’atroce et d’indicible.

Il tourna sur lui-même deux ou trois fois, la tête perdue de vertige et cherchant à reprendre son souffle au milieu de tout ce liquide rouge dont la montée l’étouffait, — et puis, lourdement, dans la boue, il s’abattit.