Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/208

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monotone des choses réelles et présentes, comme ne pensant plus à rien.

Du reste, les lignes donnaient beaucoup et les bras avaient peine à suffire.

Autour des pêcheurs, dans les fonds immenses, c’était un nouveau changement à vue. Le grand déploiement d’infini, le grand spectacle du matin était terminé, et maintenant les lointains paraissaient au contraire se rétrécir, se refermer sur eux. Comment donc avait-on cru voir tout à l’heure la mer si démesurée ? L’horizon était à présent tout près, et il semblait même qu’on manquât d’espace. Le vide se remplissait de voiles ténus qui flottaient, les uns plus vagues que des buées, d’autres aux contours presque visibles et comme frangés. Ils tombaient mollement, dans un grand silence, comme des mousselines blanches n’ayant pas de poids ; mais il en descendait de partout en même temps, aussi l’emprisonnement là-dessous se faisait très vite, et cela oppressait, de voir ainsi s’encombrer l’air respirable.

C’était la première brume d’août qui se levait. En quelques minutes le suaire fut uniformément dense, impénétrable ; autour de la Marie, on ne dis-