Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/262

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merci, car je suis encore contente d’être devenue si vieille, pour avoir vu ça avant de mourir.

Ils restaient toujours là, l’un devant l’autre, se tenant les mains et ne trouvant pas de mots pour se parler ; ne connaissant aucune parole qui fût assez douce, aucune phrase ayant le sens qu’il fallait, aucune qui leur semblât digne de rompre leur délicieux silence.

— Embrassez-vous, au moins, mes enfants… Mais c’est qu’ils ne se disent rien !… Ah ! mon Dieu, les drôles de petits enfants que j’ai là par exemple !… Allons, Gaud, dis-lui donc quelque chose, ma fille… De mon temps à moi, me semble qu’on s’embrassait, quand on s’était promis…

Yann ôta son chapeau, comme saisi tout à coup d’un grand respect inconnu, avant de se pencher pour embrasser Gaud, — et il lui sembla que c’était le premier vrai baiser qu’il eût jamais donné de sa vie.

Elle aussi l’embrassa, appuyant de tout son cœur ses lèvres fraîches, inhabiles aux raffinements des caresses, sur cette joue de son fiancé que la mer avait dorée. Dans les pierres du mur, le grillon leur