Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/296

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Les couplets étaient dits par un des garçons d’honneur, d’une manière tout à fait langoureuse qui allait à l’âme ; et puis le chœur était repris par d’autres belles voix profondes.

Mais les nouveaux époux n’entendaient plus que du fond d’une sorte de lointain ; quand ils se regardaient, leurs yeux brillaient d’un éclat trouble, comme des lampes voilées ; ils se parlaient de plus en plus bas, la main toujours dans la main, et Gaud baissait souvent la tête, prise peu à peu, devant son maître, d’une crainte plus grande et plus délicieuse.

Maintenant le cousin pilote faisait le tour de la table pour servir d’un certain vin à lui ; il l’avait apporté avec beaucoup de précautions, caressant la bouteille couchée, qu’il ne fallait pas remuer, disait-il.

Il en raconta l’histoire : un jour de pêche, une barrique flottait toute seule au large ; pas moyen de la ramener, elle était trop grosse ; alors ils l’avaient crevée en mer, remplissant tout ce qu’il y avait à bord de pots et de moques. Impossible de tout emporter. On avait fait des signes aux autres pilotes, aux autres pêcheurs ; toutes les