Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/47

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insaisissable maintenant, après s’être avancé d’une manière à la fois si osée et si douce.

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Ensuite, dans sa longue rêverie, elle repassait les souvenirs de son retour en Bretagne, qui était de l’année dernière.

Un matin de décembre, après une nuit de voyage, le train venant de Paris les avait déposés, son père et elle, à Guingamp, au petit jour brumeux et blanchâtre, très froid, frisant encore l’obscurité. Alors elle avait été saisie par une impression inconnue : cette vieille petite ville, qu’elle n’avait jamais traversée qu’en été, elle ne la reconnaissait plus ; elle y éprouvait comme la sensation de plonger tout à coup dans ce qu’on appelle, à la campagne : les temps, — les temps lointains du passé. Ce silence, après Paris ! Ce train de vie tranquille de gens d’un autre monde, allant dans la brume à leurs toutes petites affaires ! Ces vieilles maisons en granit sombre, noires d’humidité et d’un reste de nuit ; toutes ces choses bretonnes — qui la charmaient à présent qu’elle aimait Yann — lui avaient paru ce matin-là d’une tristesse bien désolée. Des ménagères matineuses ouvraient déjà