Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/70

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place avec son père, nullement fatiguée, se sentant alerte et joyeuse, ravie de respirer, aimant cette brume gelée du dehors et cette aube triste, trouvant tout exquis et tout suave.

… La nuit de mai était tombée depuis longtemps ; les fenêtres s’étaient toutes peu à peu fermées, avec de petits grincements de leurs ferrures. Gaud restait toujours là, laissant la sienne ouverte. Les rares derniers passants, qui distinguaient dans le noir la forme blanche de sa coiffe, devaient dire : « Voilà une fille, qui, pour sûr, rêve à son galant. » Et c’était vrai, qu’elle y rêvait, — avec une envie de pleurer par exemple ; ses petites dents blanches mordaient ses lèvres, défaisaient constamment ce pli qui soulignait en bas le contour de sa bouche fraîche. Et ses yeux restaient fixes dans l’obscurité, ne regardant rien des choses réelles…

… Mais, après ce bal, pourquoi n’était-il pas revenu ? Quel changement en lui ? Rencontré par hasard, il avait l’air de la fuir, en détournant ses yeux dont les mouvements étaient toujours si rapides.

Souvent elle en avait causé avec Sylvestre, qui ne comprenait pas non plus :