Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/84

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Cette vague fumée apportait aux pêcheurs des nouvelles de France, et, entre autres, certaine lettre de vieille grand’mère, écrite par une main de belle jeune fille.

Il se rapprocha lentement ; bientôt on vit sa coque noire, — c’était bien le croiseur, qui venait faire un tour dans ces fiords de l’ouest.

En même temps, une légère brise qui s’était levée, piquante à respirer, commençait à marbrer par endroits la surface des eaux mortes ; elle traçait sur le luisant miroir des dessins d’un bleu vert, qui s’allongeaient en traînées, s’étendaient comme des éventails, ou se ramifiaient en forme de madrépores ; cela se faisait très vite avec un bruissement, c’était comme un signe de réveil présageant la fin de cette torpeur immense. Et le ciel, débarrassé de son voile, devenait clair ; les vapeurs, retombées sur l’horizon, s’y tassaient en amoncellements de ouates grises, formant comme des murailles molles autour de la mer. Les deux glaces sans fin entre lesquelles les pêcheurs étaient — celle d’en haut et celle d’en bas — reprenaient leur transparence profonde, comme si on eût essuyé les buées qui les avaient ternies. Le temps