Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 10.djvu/129

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Ce fut alors qu’on lui suggéra une idée assez originale et peut-être sans précédent exact : celle d’écrire le journal de sa vie passée telle qu’elle aurait pu être s’il eût été heureux.

Ne vous y trompez point : ce n’est pas tout à fait ce que tentent les vieilles dames de lettres lorsqu’elles enjolivent à leur avantage les souvenirs lointains de leur premier amour. Restif avait déjà fait cela d’ailleurs, car il est à cet égard bon nombre d’hommes qui sont femmes. Son nouveau projet tenait tellement du rêve (par les faits) et tellement de la réalité (par les personnages) que je ne connais pas d’ouvrage antérieur comparable à celui-ci.

Restif en attribue l’idée à Cazotte. Le 31 janvier 1792, ayant achevé le manuscrit des huit premières parties de Monsieur Nicolas, il le fit lire par Cazotte qui lui dit en le lui rendant :

« Que feriez-vous si vous recommenciez votre Vie et que vous fussiez maître des événements ? »[1].

Restif répondit par LES REVIES, histoires refaites sous une autre hypothèse, du CŒUR HUMAIN DÉVOILÉ.

Pour que l’homme pût être heureux, il lui faudrait une prudence qu’il ne peut avoir que par l’expérience. En conséquence il lui faudrait deux vies connexes et sans intervale. Revivre serait sa véritable vie.

… On a vu d’ailleurs quelle a été ma vie, puisqu’elle

  1. Les Posthumes, 1802, IV, 314.