Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 10.djvu/135

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la terre de Saci et du Vaudupuits, avec leurs bois, leurs prés, leurs terres et leurs vignes, pour en laisser jouir et disposer mon Père, qu’avec mes revenus et quelques présens de mon Ami. Je feignis donc le dépit, et je dis à mes parens de Saci et de Courgis : — Je ne veux pas me marier. Je vous laisse une fortune, à vous et aux deux mères de mes enfans ; et pour moi, je vais disparaître et ne vivre que du produit de mon travail. Vous ne saurez pas où je serai. — Ils furent interdits. Mais ils ne croyaient pas l’exécution…

Pauvre Restif ! voilà donc quel était son rêve : « Acheter les prés des Roies, la terre de Saci (son Village natal) et celle de Vaudupuits, » en faire un enclos, le donner à son père, et ayant ainsi assuré le bonheur des siens, aller conquérir Paris avec cinquante mille livres de rente… Le malheureux ! faut-il rappeler en face de cette page les lignes lamentables qui terminent son dernier » roman ? — « L’homme qui vient de s’épuiser ici pour imprimer cet ouvrage n’a que son prompt débit pour tout moyen de subsister[1] avec 3 orfelins en bas âge. Miseremini mei, miseremini mei, saltem vos, Amici mei (vous dirait Job). Aidez-moi du moins à imprimer 4 ou 5 ouvrages mss. dont j’hypothéquerais sur la 1re rentrée pour les frais. Ô Corbeau !… Suisse respectable, viens à mon secours s’il est possible ! Jamais on n’en eut autant de besoin ! »[2].

  1. Il n’en tira aucun bénéfice. Le Premier Consul fit saisir toute l’édition que Restif avait imprimée de ses propres mains.
  2. Les Posthumes, 1802, IV, 335.