Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 10.djvu/163

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devient très rapide. Le lecteur a déjà deviné la solution évidente : — c’est la phrase qui manque au « fragment » de René.

Conviction sans preuves ? En de pareilles matières, la preuve est difficile à donner, mais nous pouvons éprouver la thèse en la retournant, c’est-à-dire en plaçant la phrase de Velléda dans le rôle d’Amélie et en jugeant ce que devient l’histoire de René.

Elle s’adapte si bien au récit du poète, cette phrase plus souffrante encore que cruelle, et au milieu d’un roman obscur elle apporte tant de clarté qu’on ne peut plus l’en distraire quand on l’y a inscrite.

La plupart des lecteurs (et Sainte-Beuve parmi eux) avaient soupçonné Lucile-Amélie de faiblesses et de repentir. Le moins que l’on puisse dire de cette conjecture est qu’elle n’explique ni le caractère du jeune homme, ni surtout celui de la jeune fille, tels qu’ils sont décrits. Je ne dis pas que l’hypothèse soit invraisemblable en soi, ni qu’elle étonnerait un confesseur ; mais je la trouve en contradiction avec l’esprit du livre et il me semble que, loin d’éclaircir le mystère, elle en augmenterait la complexité.

Le sentiment seul explique le drame. Par imprudence, par jeunesse, par inexpérience de cœur, René rend Lucile amoureuse de lui ; mais non par dessein. Elle s’en aperçoit la première et lors-