Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 2.djvu/111

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LE SOUVENIR DÉCHIRANT


Je me souviens… (à quelle heure du jour ne l’ai-je pas devant mes yeux !) je me souviens de la façon dont Elle soulevait ses cheveux avec ses faibles doigts si pâles.


Je me souviens d’une nuit qu’elle passa, la joue sur mon sein, si doucement, que le bonheur me tint éveillée, et le lendemain elle avait au visage la marque de la papille ronde.


Je la vois tenant sa tasse de lait et me regardant de côté, avec un sourire. Je la vois, poudrée et coiffée, ouvrant ses grands yeux devant son miroir, et retouchant du doigt le rouge de ses lèvres.


Et surtout, si mon désespoir est une perpétuelle torture, c’est que je sais, instant par instant, comment elle défaille dans les bras de l’autre, et ce qu’elle lui demande et ce qu’elle lui donne.