Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 3.djvu/123

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Il était vêtu d’une peau de brebis noire ; un pétasse de paille tressée enserrait ses tempes chevelues ; il tenait à la main un bâton de hêtre avec lequel il avait tracé autour de lui dans la terre molle un cercle étroit comme une prison.

« Au delà de ce cercle, songeait-il, je pourrais en tracer un autre, plus grand sans doute, et un autre encore et un troisième immense, mais toujours, toujours fermé. En marchant plusieurs journées j’enfermerais ainsi la montagne, mais tout ce que je vois de la terre est un cercle aussi, l’horizon infranchissable ; et tout ce que je vois hors du monde est le cercle étouffant du ciel, et je ne saurai jamais rien de ce qui délivre des limites. »

Et comme il pleurait, quelqu’un vint à lui et lui toucha doucement l’épaule et Hyacinthe se retourna, disant :

— « Apollon !

— C’est moi, dit le dieu. Pourquoi es-tu triste ? Ne sais-tu pas que tu peux tout me demander, même l’existence immortelle, et qu’à moi rien n’est impossible. Pourquoi pleures-tu sans raison ? »

Hyacinthe ne répondit pas. Le dieu reprit en souriant :

« Quelque femme, sans doute ? Tu auras vu derrière les branches un dos blanc sous une chevelure, et le souvenir te harcèle. Dis-moi le nom de cette femme, je te la donnerai. »

Hyacinthe bâilla :