Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 3.djvu/78

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Alors, comme ses paupières lasses se fermaient d’instant en instant, elle se coucha sur la terre, et un songe qui passait lui dit d’une voix lente :

« Tu ne le reverras plus, ton frère, tu ne le reverras plus. »

Elle s’éveilla en sursaut.

Ses mains s’étendirent, sa bouche s’ouvrit, mais avec une telle angoisse qu’elle n’eut pas la force de crier.

La lune s’était levée, rouge comme du sang, derrière les hautes lignes noires des pins. Byblis la distinguait à peine. Il lui semblait qu’un voile humide s’était posé sur ses longs yeux. Un silence éternel dormait dans les bois.

Et voici qu’une larme gonflée emplit le coin de son œil gauche.

Byblis n’avait jamais pleuré. Elle crut qu’elle allait mourir, et soupira, comme si un soulagement divin la secourait mystérieusement.

La larme s’accrut, trembla, s’élargit, puis soudain coula sur la joue.

Byblis resta immobile, les yeux fixes, devant la lune.

Et voici qu’une larme gonflée emplit le coin de son œil droit. Elle s’élargit comme la première, glissa sur les cils et tomba.

Deux autres larmes naquirent, deux gouttes brûlantes qui allongèrent la trace humide de la joue. Elles atteignirent le pli de la bouche ;