Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 3.djvu/86

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elle avait une âme simple où la douleur encore n’était pas entrée. La petite voix de son enfant la fit retourner déjà souriante. Elle prit le bébé dans ses mains, se coucha sur le dos dans un tapis de laine qui cachait le fond de la barque, et se mit à jouer.

Elle prenait l’enfant comme une poupée de cire, elle s’amusait de ses grands yeux ronds, de sa bouche sans dents qui voulait parler, du pli rose de ses poignets, et de ses ongles si menus qu’on les eût pris pour des ailes de mouches.

Brusquement elle le serrait dans ses bras à l’étouffer, elle embrassait sa petite tête chauve, ses petites jambes, ses petits pieds en boule ; elle le faisait marcher sur elle, sauter, courir, tomber, rouler. Elle l’enveloppait dans ses cheveux, et, d’un doigt sous la lèvre, elle le faisait rire.

« Écoute, lui dit-elle enfin. Je vais te raconter ton histoire. »

Il n’était pas probable que l’enfant dût comprendre. Mais pourtant il était de race divine et rien n’est impossible à ceux qui sont nés des grands olympiens.

Et elle parla ainsi :

« Je suis Danaë, fille d’Akrisios, qui est roi sur la terre d’Argos. Ma mère est la sage Eurydiké, et je n’ai pas de frère aux flèches ailées, et je n’ai pas de sœurs aux boucles de violettes.

» Je me souviens d’avoir joué, quand j’étais