Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/131

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vaguement teintée selon les couleurs de la femme ; elle tenait d’une main son miroir dont le manche était un priape, et de l’autre adornait sa beauté, d’un collier de perles à sept rangs. Une perle plus grosse que les autres, argentine et allongée, brillait entre ses deux mamelles, comme un croissant nocturne entre deux nuages ronds. Et c’étaient les vraies perles saintes, nées des gouttes d’eau qui avaient roulé dans la conque de l’Anadyomène.

Démétrios se perdit dans une adoration ineffable. Il crut en vérité que l’Aphrodite elle-même était là. Il ne reconnut plus son œuvre, tant l’abîme était profond entre ce qu’il avait été et ce qu’il était devenu. Il tendit les bras en avant et murmura les mots mystérieux par lesquels on prie la déesse dans les cérémonies phrygiennes.


Surnaturelle, lumineuse, impalpable, unie et pure, la vision flottait sur la pierre, palpitait moelleusement. Il fixait les yeux sur elle et pourtant il craignait déjà que la caresse de son regard ne fit évaporer dans l’air cette hallucination faible. Il s’avança très doucement, toucha du doigt l’orteil rose, comme pour s’assurer de l’existence de la statue, et incapable de s’arrêter tant elle l’attirait à soi, il monta debout auprès d’elle et posa les mains sur les épaules blanches en la contemplant dans les yeux.