Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/150

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Femmes ! ô femmes ! si vous voulez être aimées, montrez-vous, revenez, soyez là ! L’émotion qu’il avait sentie à l’entrée de la courtisane était si totale et si lourde qu’il ne fallait plus songer à la combattre par un coup de volonté. Démétrios était lié comme un esclave barbare à un char de triomphe. S’échapper était illusion. Sans le savoir, et naturellement, elle avait mis la main sur lui.

Il l’avait vue venir de très loin, car elle portait la même étoffe jaune qu’à son passage sur la jetée. Elle marchait à pas lents et souples en ondulant les hanches mollement. Elle était venue droit à lui, comme si elle l’avait deviné derrière la pierre.

Dès le premier instant, il comprit qu’il retombait à ses pieds. Quand elle tira de sa ceinture le miroir de bronze poli, elle s’y regarda quelque temps avant de le donner au prêtre et l’éclat de ses yeux devint stupéfiant. Quand, pour prendre son peigne de cuivre, elle posa la main sur ses cheveux en levant un bras plié, selon le geste des Charites, toute la belle ligne de son corps se développa sous l’étoffe et le soleil alluma dans l’aisselle une rosée de sueur brillante et menue. Enfin, quand, pour soulever et défaire son collier de lourdes émeraudes, elle écarta la soie plissée qui voilait sa double poitrine jusqu’au doux espace empli d’ombre où l’on ne peut glisser qu’un bouquet, Démétrios se sentit pris d’une telle frénésie d’y poser les lèvres et d’arracher