Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/217

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« Princesse Cléopâtre, pardonne-moi… Je ne peux pas te laisser passer. »

La petite se redressa, fronça violemment les sourcils, donna un coup de poing sourd à la tempe du soldat et lui dit à voix basse, mais avec une espèce de férocité :

« Toi, si tu me touches, je crie au viol et je te fais couper en quatre ! »

Puis, elle entra silencieuse dans la chambre de la reine.

Bérénice dormait, la tête sur le bras, et la main pendante. Une lampe suspendue au-dessus du grand lit rouge mêlait sa lueur faible à celle de la lune que réfléchissait la blancheur des murs. La souple nudité de la jeune femme baignait ses contours lumineux et vagues dans une ombre légère, entre deux clartés.

Svelte et droite, Cléopâtre s’assit au bord du lit. Elle prit le visage de sa sœur entre ses petites mains, l’éveilla du geste et de la voix, disant :

« Pourquoi ton amant n’est-il pas avec toi ? »

Bérénice ouvrit en sursaut deux yeux admirables :

« Cléopâtre… Que fais-tu là ?… Que me veux-tu ? »

La petite répéta plus vivement :

« Pourquoi ton amant n’est-il pas avec toi ?

— Il n’est pas…

— Mais non, tu le sais bien.