Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/243

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Une trace de pas sur le sable les conduisait en avant. Ils suivirent.

La nuit brillait avec un éclat extraordinaire. Ils marchaient, couraient, luttaient du bout des doigts : leurs ombres nettes et noires résumaient derrière eux la silhouette de leur couple. Jusqu’où iraient-ils de la sorte ? Ils ne voyaient plus qu’eux seuls dans l’immense horizon bleui…


Mais soudain Melitta cria :

« Ah !… regarde…

— Qu’y a-t-il ?

— Une femme…

— Une courtisane… Oh ! l’impudique ! elle s’est endormie sur la place… »

Melitta secoua la tête.

« Non… Oh ! non ; je n’ose pas m’approcher, Mikyllos… ce n’est pas une courtisane celle-ci.

— Je l’aurais cru.

— Non, Mikyllos, non, non, ce n’est pas l’une de nous… C’est Touni, la femme du grand-prêtre… Et regarde-la bien… Elle n’est pas endormie… Oh ! je n’ose pas m’approcher… Elle a les yeux ouverts… allons-nous en… j’ai peur… j’ai peur… »

Mikyllos fit trois pas sur la pointe du pied :

« Tu as raison, elle ne dort pas, elle est morte, la pauvre femme.

— Morte ?

— Une épingle dans le cœur. »